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peuple, le peuple « que l’on craint, que l’on flatte et que l’on méprise » ; l’indignité des agents du gouvernement ; « la perfidie, l’imprévoyance, la corruption, la scélératesse et la trahison maîtresses du pouvoir » ; « le corps législatif avili »… Si quelque historien de nos jours osait tracer de l’œuvre de la Convention une image aussi noire, il serait anathématisé, conspué, traité de renégat, de blasphémateur et d’anti-français ; il n’aurait fait, pourtant, que reproduire l’opinion de Robespierre qui ne passait pas pour un rétrograde.

En la circonstance, il commettait une maladresse irréparable : il avait cru habile de faire « patte de velours », tout en laissant deviner ses griffes, de rejeter sur d’autres, anonymes, la responsabilité de la Terreur, à laquelle, oubliant sa loi de prairial, il se déclarait « complètement étranger ». Mais la méfiance de ses auditeurs était trop en éveil pour qu’ils se laissassent prendre à cette tactique, et quand, repliant ses papiers, il descendit de la tribune, l’effet produit par son ténébreux discours était tout différent de ce qu’il attendait. L’Assemblée hésitait : que faire ? Va-t-elle s’aplatir encore, ou exiger des éclaircissements ? Au lieu de calmer les angoisses, il vient de les aviver, et beaucoup se reconnaissent aux portraits qu’il a tracés ; faut-il tenter de l’amadouer, ou se poser tout de suite en adversaire déterminé ? Lecointre et Barère essaient du premier moyen et demandent « l’impression du discours ». La motion est froidement accueillie ; Couthon renchérit ; il propose non seulement l’impression, mais encore l’envoi aux quarante-quatre mille communes de la République, sanction ordinaire