Page:Lenotre - Robespierre et la « Mère de Dieu », 1926.djvu/264

Cette page n’a pas encore été corrigée

un rival à redouter ; il leur impose par sa supériorité manifeste, et nul ne discute ses ordres ou ses conseils. Il veut autour de lui des subalternes, pas d’égaux. D’amis, il n’en a pas un ; Saint-Just et Couthon ont avec lui partie liée, mais l’affection n’est pour rien dans leur assiduité. Le premier évite de s’asseoir à la table de Robespierre ; quand il vient rue Saint-Honoré, il monte au cabinet de son compère « sans communiquer avec personne[1] ». Couthon, lui, a quitté depuis plusieurs mois la maison[2]. « Je n’y suis pas en sûreté, disait-il à ses collègues du Puy-de-Dôme. Chaque jour on voit entrer chez Robespierre une douzaine de coupe-jarrets auxquels il donne à dîner. » Et il s’étonnait que l’Incorruptible pût subvenir à pareilles dépenses. « Mes indemnités, ajoutait Couthon, me suffisent à peine pour subsister avec les miens. »

Charlotte Robespierre qui, dès la fin de 1792, a vécu chez les Duplay, est brouillée avec ses deux frères qui lui ont voué « la haine la plus implacable[3] ». Elle écoute les galanteries de Fouché qui

  1. Archives Nationales, WIA 79. Interrogatoire de Jacques-Maurice Duplay, 12 nivôse an IIIe ; par contre, on invite Barère dont la tête est déjà marquée : – « Barère dîna dix, douze ou quinze jours avant le 9 thermidor. »
  2. Supplément aux crimes des anciens Comités, par Dulaure, 122-123. L’association de Couthon avec Robespierre demeure assez inexplicable : Couthon était arrivé à la Convention très modéré ; le même Dulaure raconte que, à la séance du 21 septembre 1792, dans le grand salon des Tuileries, assis dans l’embrasure d’une fenêtre, Couthon fut tout à coup entouré de certains membres de la députation de Paris. Marat lui frappa sur l’épaule en disant : – « C’est un bon patriote que Couthon ! » Couthon, qui ne pouvait bouger en raison de sa paralysie, tira Dulaure par l’habit en lui disant à l’oreille : – « Rendez-moi un service ; ôtez-moi du milieu de ces brigands. » Dulaure le prit dans ses bras et l’emporta. Même ouvrage, 121.
  3. Mémoires de Charlotte Robespierre, 139 et s.