Page:Lenotre - Robespierre et la « Mère de Dieu », 1926.djvu/245

Cette page n’a pas encore été corrigée

jusqu’à la place voisine de sa demeure pour y voir une exécution. On raconte que, le jour où devait tomber la tête de Louis XVI, il recommanda à Duplay de fermer la porte de la maison : Éléonore Duplay s’informant du motif de cette précaution : « Ah ! dit-il, c’est qu’il passe aujourd’hui devant la maison de votre père quelque chose que vous ne devez point voir[1]. » Ces contradictions étonnent, et on en profite pour décharger de certains crimes sa mémoire qui sera toujours controversée. Il est manifeste que, s’il l’avait voulu, il pouvait mettre fin à la Terreur : dans les Souvenirs d’un contemporain bien placé pour savoir, se trouve un mot impressionnant : « Si Robespierre demande du sang, le sang sera versé ; s’il n’en demande pas, personne n’osera en demander[2]. » Or il en demandait, il en demandait à flots : non point par goût, mais par politique : la guillotine était son arme, son argument ; et il pourrait bien se faire que, par sa loi du 22 prairial, par ses commissions populaires, par son action au bureau de police, par ses conspirations des prisons, qui stimulèrent si épouvantablement l’activité du Tribunal, Robespierre cherchât à discréditer ses ennemis des Comités auxquels, ignorant des rouages, le public écœuré attribuerait cette recrudescence d’assassinats.

Le 11 messidor, le Comité marque un point : la victoire de Fleurus est annoncée ce jour-là ; le sol français est délivré et nos soldats touchent aux portes de Gand. La Convention trépigne d’enthousiasme : le peuple de Paris est ivre d’allégresse.

  1. Hamel, Robespierre, II, 606.
  2. Mémoires de Garat, 302, 303.