Page:Lenotre - Robespierre et la « Mère de Dieu », 1926.djvu/241

Cette page n’a pas encore été corrigée

alors on nomme un chef suprême qui fasse taire les lois et suspende un moment leur autorité souveraine » ? Robespierre a médité cette maxime, car, dans les papiers que, plus tard, on trouvera chez lui, se rencontrera une note essentielle de son écriture et qui débute ainsi : « Il faut une volonté une. » Telle était, après trois ans d’expérience, l’opinion du plus fameux démocrate qui fut jamais ! Et Saint-Just, avec lequel il est en parfaite communauté d’idées et de projets, inscrit, dans ses apocalyptiques Institutions, ce précepte : « Il faut, dans toute révolution, un dictateur pour sauver l’État par la force, ou des censeurs pour le sauver par la vertu[1]. » Mais si Robespierre ambitionne la dictature, qu’il propose à ses ennemis de la lui décerner et de se mettre entre ses mains, voilà qui dénoterait une naïveté déconcertante. Quel espoir de rallier à ce projet fou Carnot qu’il vient d’insulter, Collot qui l’a pris à la gorge, Vadier qui ne lui pardonne pas de l’avoir frustré de « sa fournée », – la belle fournée où il comptait offrir aux badauds parisiens le spectacle de la Mère de Dieu, mourant sur l’échafaud, avec un ancien moine, protégé par Robespierre, et toutes les ouailles auxquelles elle a promis l’immortalité corporelle ? Et si Robespierre se pose en candidat à la dictature, comment n’est-il pas immédiatement arrêté ? Tous les jours on emprisonne des gens pour un crime moindre : les états des Commissions populaires mentionnent des motifs de suspicion : on en rirait, si la guillotine n’était pas au bout : « Égoïste. » – « A gardé chez

  1. Saint-Just et la Terreur, par Édouard Fleury, I, 228.