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rentrer, gueulant à toute voix aux gens de l’antichambre : « Robespierre est un infâme, un tartufe ! Il nous impute ce dont il est coupable. Nous aimons tous nos collègues ; c’est cet homme-là qui veut les égorger tous. » Il tient son ennemi au collet, le secoue : on les sépare et, parmi la foule épouvantée, Robespierre s’esquive. «  Il tremblait en marchant, ajoute Barras, qui l’accompagna un bout de chemin ; il me regardait avec des yeux incertains qui paraissaient à la fois me remercier de l’avoir sauvé, et, en même temps, me reprochaient l’état d’humiliation où je l’avais vu… »

Dans les Mémoires de Barère, – un témoin, celui-là, mais partial, et pour cause, – c’est, un autre jour, les deux Comités étant réunis, Maximilien qui réclame, obstiné, « l’établissement de quatre Tribunaux révolutionnaires[1] ». On le laisse parler, puis quelqu’un demande si personne n’a d’autre proposition à présenter. Saint-Just prend la parole : il trace de la situation un tableau sinistre : le mal est à son comble ; le seul moyen de salut est la concentration des pouvoirs, l’unité des mesures de gouvernement… On l’invite à préciser le but de ces récriminations. Alors, avec ce flegme arrogant qui est sa manière, il propose de nommer un dictateur, un homme qui bénéficie de la confiance du peuple, un citoyen vertueux et incorruptible. « Cet homme, conclut-il, c’est Robespierre ; lui seul peut sauver l’État. Je demande qu’il soit investi du pouvoir

  1. La loi du 22 prairial dotait, en effet, le Tribunal de quatre sections. Mais cette mesure resta inexécutée, soit par défaut de magistrats ou de jurés, soit parce que Dumas et Fouquier n’avaient pas trouvé dans le Palais les emplacements nécessaires à ce doublement des services.