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devant lequel pâlissent toutes les méthodes historiques et s’effacent les compilations les plus savantes ? À défaut de ces témoignages irrécusables, il faut se satisfaire de versions moins autorisées ; celle du conventionnel Baudot, par exemple, qui nous montre Robespierre et Saint-Just se présentant un soir au Comité : ils ont attendu l’heure tardive, « l’heure sépulcrale », parce qu’ils savent que « les grands coups doivent se porter dans les ténèbres ». Tout de suite Robespierre attaque audacieusement Carnot, lui reprochant la maladresse de ses plans de campagne, et osant dire que l’organisateur de la victoire est d’accord avec les ennemis de la République. Le grand Carnot, contenant sa révolte, couvre des mains son visage, et l’on voit des larmes de rage qui coulent entre ses doigts[1]. – Empruntant ensuite à Barras[2], on voit maintenant Robespierre, revenant aux têtes qu’il exige : sa liste s’est augmentée ; il la donne ; la lecture est écoutée froidement ; le Comité se refuse à « entamer » l’Assemblée. Robespierre se lève et va pour sortir : en ouvrant la porte, il voit, dans l’antichambre, un grand nombre de citoyens, parmi lesquels plusieurs députés, de ceux, peut-être, dont il veut la mort. Saisi, il recule, se retourne vers ses collègues, encore assis autour de la grande table, et crie, pour qu’on l’entende : « Vous voulez décimer la Convention, je n’y donnerai pas mon adhésion ! » Collot d’Herbois bondit de sa chaise, indigné d’une telle hypocrisie ; il court à Robespierre, l’empoigne brutalement par son habit, le tire à lui pour le faire

  1. Baudot, Notes historiques, 12.
  2. Barras, Mémoires, I, 170 et s.