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protestait-il contre l’hécatombe de ses prétendus assassins ? Quoi qu’il en soit, l’effet fut pour lui désastreux. Il fallut suspendre le départ des condamnés pour confectionner en hâte, au moyen de sacs, leur livrée de mort[1] et quand le long cortège de charrettes, escorté de gendarmes et de canonniers, se mit en route par les rues vers la barrière de Vincennes où était dressé l’échafaud, les gens le regardaient passer dans un silence consterné. Tant de victimes pour un seul homme ! Et quelles victimes : un vieillard de soixante-quinze ans[2], un adolescent de dix-sept ans[3], une jeune femme de dix-neuf ans[4], une petite ouvrière de dix-huit ans[5], et l’héroïne de l’affreux drame, Cécile Renault, qui n’avait pas vingt ans… « Le lambeau d’étoffe rouge qui drapait leurs épaules faisait ressortir l’éclat de leur teint » et la jeunesse de leurs traits ; la foule immense qui se pressait sur leur passage les contemplait avec stupeur. Elles parurent si belles que peu après, toutes les élégantes portaient des châles rouges[6].

Le bon sens du peuple parisien discerne pour la première fois une disproportion répugnante entre l’insignifiance du délit et l’effroyable magnificence du châtiment ; loin d’en être grandi, Robespierre paraît diminué. Aux yeux de ses collègues qui le

  1. Wallon, Histoire du Tribunal révolutionnaire, IV, 259.
  2. M. de Sombreuil.
  3. Louis de Sainte-Amaranthe.
  4. Émilie de Sainte-Amaranthe.
  5. Nicole, servante de la femme Grandmaison.
  6. Georges Vidal, Souvenirs de la Terreur, IV, 375, cité par Wallon, Tribunal révolutionnaire, IV, 260, n.