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exaspéré d’un homme frustré d’une aubaine. Ce soir-là on déblatéra fort, au Comité de sûreté, contre l’Incorruptible : il soustrayait au bourreau les illuminés ; donc il était des leurs. Ceci sembla d’autant plus évident, que, le lendemain, sa clémence trouvait une occasion bien autrement plausible de s’affirmer ; ce jour-là, on jugeait « ses assassins », c’est-à-dire la petite Cécile Renault, qui, au début du mois, s’était présentée à la maison Duplay, dans l’espoir déçu d’être reçue par lui. Pour ce crime allaient mourir cinquante-quatre personnes, dont aucune, – si l’on excepte le père Renault, son fils et sa sœur, parfaitement innocents, du reste, – n’avait jamais eu la moindre relation avec Cécile. On leur avait adjoint Admiral, qui, à défaut de Robespierre, s’était rejeté sur Collot d’Herbois ; les autres, pris au hasard, faisaient nombre, servant à rendre plus imposant le châtiment de la « meurtrière ».

Ce procès fameux fut, en quelque sorte, l’inauguration des procédés de justice sommaire promulgués par la nouvelle loi : appel nominal des accusés ; puis cette question répétée cinquante-quatre fois : « Avez-vous connaissance de la conspiration ? » – Cinquante-quatre réponses négatives ; si l’un des inculpés essayait de discuter : « Citoyen président, je vous observe… – Tu n’as pas la parole ! À un autre ! » Nul interrogatoire, nulle audition de témoins, nulle plaidoirie. L’abattoir. Seul Admiral ne nia pas son projet d’assassinat ; mais il n’était là qu’en comparse[1] et disparaissait parmi

  1. Admiral fut volontairement si bien « effacé » au cours de l’audience, afin de laisser toute l’importance aux assassins