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laissez-passer octroyé par lui à dom Gerle ; mais il faudrait savoir si ce texte n’a pas été expurgé avant d’être livré aux protes du Moniteur et l’on doit croire, d’ailleurs, que le discours de Vadier prenait toute son importance de certains enjolivements fantaisistes sournoisement mis en circulation avant la séance : ainsi parlait-on beaucoup, mais bien bas, d’une lettre trouvée par Héron dans la paillasse de la prophétesse et adressée par elle à Maximilien ; elle l’y qualifiait de « mon cher fils », « d’homme divin » et le traitait de sauveur du monde. Or cette lettre, que nul n’a jamais vue, paraît bien n’avoir existé que dans l’imagination de Vadier[1] ; mais cette drolatique insinuation permettait d’appliquer à Robespierre tous les traits mordants dirigés contre les dévots de la rue Contrescarpe : on laissait entendre qu’il comptait au nombre des initiés ; que le fauteuil laissé vacant, lorsque trônaient Gerle et la mère Catherine au milieu de leurs ouailles, lui était destiné ; on l’imaginait recevant les sept baisers fatidiques et comme les autres, s’attardant « à sucer voluptueusement le menton de la vieille folle ». Ainsi transposé, le rapport prend un double sens et devient véritablement cinglant. Allusion à Robespierre, qui n’a ni femme ni maîtresse, le

  1. Outre que Catherine Théot ne savait pas écrire, il n’est question de cette lettre dans aucun des procès-verbaux d’interrogatoire ou de perquisition sur lesquels Vadier établit son rapport. Seulement, dans un factum publié par Héron, après le 9 thermidor, alors qu’il était en prison, – À la Convention nationale, par le citoyen Héron, – on trouve cette indication : – « Chargé de l’arrestation de la Mère de Dieu, le citoyen Héron a regardé comme un devoir d’apporter au Comité de sûreté générale une lettre qu’il trouva sous les matelas de cette femme, à l’adresse de Robespierre et avec laquelle il aurait pu lui faire la cour par une autre conduite. »