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excitées, revenaient du Champ de Mars et invectivaient, en passant, contre l’antre des « frères et amis ». Duplay aperçut Maximilien Robespierre, se faufilant pour se soustraire aux manifestations menaçantes ; il venait de l’entendre, quelques instants auparavant, « verser dans le sein de la société les chagrins qu’inspiraient aux patriotes les affreux événements de la journée[1] ». Il l’aborda, l’invita à se réfugier dans sa maison toute voisine. Robespierre ne connaissait pas Duplay ; pourtant, inquiet de ne pouvoir regagner sans malencontre son lointain logis de la rue de Saintonge, au Marais, il accepta l’offre de ce généreux citoyen, et, quelques minutes plus tard, il se trouvait hors de danger.

C’était acte de courage d’attirer chez soi un hôte aussi compromettant. Soit que Duplay eût cédé spontanément, en brave homme, au désir d’obliger, soit qu’il ne fût pas insensible à l’honneur d’héberger l’un des champions de la liberté, il n’envisagea point les désavantages éventuels de son imprudence et, le lendemain, comme Robespierre s’apprêtait à partir, ses hôtes d’une nuit insistèrent pour le garder. La maison était grande ; ils avaient une modeste chambre à lui donner, en attendant qu’un des logements qu’ils sous-louaient se trouvât libre ; il serait là commodément, tout près des Jacobins et de l’Assemblée ; s’il consentait à partager les repas de la famille, sa vie se trouverait grandement simplifiée. L’offre était tentante, Robespierre l’accepta à titre provisoire[2] ; on envoya

  1. Aulard, ibid.
  2. Un mois plus tard, le 9 août, Robespierre se disait encore domicilié « rue de Saintonge, au Marais, n° 8 », soit qu’il préférât ne point indiquer le lieu de sa résidence actuelle, soit qu’il n’eût pas encore donné congé de son logement du Marais. Le Club des Cordeliers pendant la crise de Varennes… par Albert Mathiez, p. 332.