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amis, écrit l’un d’eux, d’un projet personnel qui embrassait l’avenir d’un mois ; ils se moquèrent beaucoup de ma présomption de compter sur un mois de vie[1]… »

Les miniaturistes ne suffisaient plus aux commandes ; sachant qu’on allait mourir, on voulait au moins laisser aux siens son portrait[2], et l’on se faisait peindre, par prudence, en sans-culotte. Omer Granet, riche de 100.000 francs de rentes et futur maire de Marseille sous Napoléon, ne sortait qu’armé « d’un bâton noueux, gros comme le bras, et vêtu, à l’avenant, dans la forme la plus sans-culottide qu’on puisse imaginer » ; il s’intitulait « le factieux Granet » ; et le futur comte Thibaudeau, couvert d’une carmagnole en toile de matelas, « avait l’habitude, lorsqu’il parlait, d’appuyer ses deux mains sur les épaules du dit Granet, pour faire voir qu’il était encore plus « factieux » que son collègue[3] ». Le cordonnier Chalandon, membre du Comité révolutionnaire de la section de l’Homme armé, fournissait chaque jour une carafe d’orgeat au représentant Tallien, « pour le rassurer contre le poison dont celui-ci était menacé[4] », et il arriva même que, n’en pouvant plus d’angoisse, une douzaine de conventionnels se conjurèrent dans le but de poignarder au pied de la tribune le tyran Robespierre, dont le seul aspect les glaçait d’effroi. Aussi, malgré le désir de se raccrocher au moindre fétu d’espoir, haussait-on les épaules

  1. Baudot, Notes historiques, 260.
  2. Beaulieu, Essais historiques, V, 331.
  3. Baudot, Notes historiques, 267.
  4. Archives nationales, F7 4637, dossier Chalandon.