Page:Lenotre - Robespierre et la « Mère de Dieu », 1926.djvu/203

Cette page n’a pas encore été corrigée

pas l’œuvre des Comités, mais celle de Robespierre[1] seul, impatient de châtier ses insolents collègues de leurs railleries et de leurs injurieuses apostrophes au jour de l’Être suprême ; la conviction de tous qu’ils étaient sous le couteau, car la nouvelle loi abrogeait tacitement le décret préalable sans lequel les membres de l’Assemblée ne pouvaient jusqu’alors être traduits au Tribunal révolutionnaire. C’est cela surtout qui les alarmait ; ils auraient, sans mot dire, livré le pays à l’homme devant lequel ils tremblaient ; mais se livrer soi-même, quel sacrifice ! Et nul moyen de fuir, Robespierre n’admettait ni les absences ni les congés : « Pas d’affaires particulières », décrétait-il. Si encore on avait su les têtes qu’il lui fallait : on supputait ; on énumérait les noms de ses ennemis avérés : chacun était prêt à lui abandonner le voisin ; mais comme le Moloch s’obstinait à ne désigner personne, tous se sentaient menacés. Barère, « dans un accablement affreux », disait à Vilate : « Ce Robespierre est insatiable : s’il nous parlait de Thuriot, Guffroy, Panis, Rovère, Cambon…, nous nous entendrions ; qu’il demande encore Tallien, Bourdon de l’Oise, Legendre, Fréron, à la bonne heure… Mais Audouin, mais Léonard Bourdon,

  1. « Amar et Moïse Bayle m’apprirent, au salon de la Liberté, le 24 prairial, en présence de Mallarmé et du public qui nous écoutait, que le décret nationicide du 22 était son seul ouvrage, que les Comités n’y avaient aucune part. » Conjuration formée dès le 5 prairial… contre Robespierre, p. 3. Archives nationales, AD2 108. – « Poussé maintenant par son dépit, Robespierre résolut d’agir sans le Comité et de se créer du coup un nouveau moyen de domination. Saint-Just était absent ; il s’entendit avec Couthon pour préparer une loi qui dépouillerait le Comité du privilège de traduire ses membres en justice… » Mémoire sur Carnot, I, 532.