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amnistie générale[1] » ; lui seul peut le faire ; toute la France l’acclamera.

Et voilà que, le surlendemain de la Fête, comme il occupait le fauteuil de la présidence, après que Barère eut annoncé, avec sa faconde accoutumée, d’heureux succès de nos armes, après la lecture applaudie du bulletin de santé du brave Geffroy, on vit le podagre Couthon prendre place à la tribune. Au-dehors, il circulait, soit en voiture, soit dans un fauteuil roulant qu’il manœuvrait lui-même ; mais, dans l’intérieur des Tuileries, il lui fallait un porteur : on a dit déjà qu’un gendarme remplissait cet office. Infirme, affable, « aimé d’une épouse vertueuse, père de deux enfants beaux comme l’amour », Couthon passait pour un homme placide et modéré ; il parlait forcément assis, et cette posture communiquait à ses discours une apparence de calme qui rassurait. Il commença dans le bruit ; les gradins s’étaient à peu près remplis, mais on n’écoutait guère ; l’orateur louangeait les bons sentiments de ses concitoyens d’Auvergne, énumérait des prises importantes faites par les marins de la République, – le tran-tran ordinaire des débuts de séances. Tout à coup on distingua qu’il exposait un plan de réforme de l’ordre judiciaire : les mots de morale, d’humanité, d’intérêt public, de justice, de liberté, de vertu revenaient souvent dans son discours ; comme on n’ignorait pas qu’il était le porte-parole de Robespierre dans certaines circonstances où celui-ci préférait ne point paraître, on s’étonna ; les paroles cessèrent, le silence s’établit.

  1. Lettre de Faure, député de la Seine-Inférieure. Collection Portiez de l’Oise, citée par Hamel, III, 513.