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« du poids de son illustre nom » ; une veuve, plus pratique, lui offre sa fortune et sa main : – « Depuis le commencement de la Révolution, je suis amoureuse de toi ; mais j’étais enchaînée et j’ai su vaincre ma passion… Tu es ma divinité suprême, je te regarde comme mon ange tutélaire[1]… » À la nouvelle de l’attentat dont l’homme sans égal a failli être victime, répond un concert de lamentations et de cris de rage : un miracle de l’Être suprême l’a sauvé du poignard de cette nouvelle Corday ; – « l’Histoire ne peindra jamais tant de vertu, de talent et de courage ; j’en rends grâce à l’Être suprême, il a veillé sur tes jours ». Même la commune de Marion « se jette à ses pieds et lui annonce qu’elle a chanté un Te Deum en son honneur[2] ». Jamais Louis XIV dans toute sa gloire n’a reçu de ses peuples des témoignages de plus folle adulation.

L’apparent succès de la Fête de l’Être suprême multiplia encore les manifestations de ce culte qui prit les formes les plus singulières : le peuple des campagnes ne comprenait rien au dieu perfectionné instauré par le décret du 18 floréal. Il croyait simplement à un retour vers l’ancienne religion : et l’on avait vu des « personnes assister à la cérémonie avec leur eucologe et leur chapelet[3] ». À Charonne, les organisateurs n’avaient su mieux

  1. Cette lettre émanait d’une veuve Jakin, de Nantes, âgée de 22 ans et riche de 40.000 livres de rentes. Revue des documents historiques, décembre 1876.
  2. Sans doute le village de ce nom dans la Drôme ; quatre autres localités en France portent ce nom de Marion, mais sont moins importantes que le hameau de la Drôme.
  3. Grégoire, Histoire des sectes, I, 114. Cité par Aulard, 340.