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servi la patrie. Aussitôt ce fut la débandade : la nuit était proche et les Parisiens piétinaient depuis cinq heures du matin[1]. Beaucoup s’installèrent au pied de la montagne pour y manger un morceau[2] ; il était convenu que le cortège se disloquerait à la place des Invalides et que la Convention nationale rentrerait en corps aux Tuileries ; mais les estaminets de l’avenue de l’École militaire retinrent des foules assoiffées et le retour des députés s’effectua sans ordre parmi le flot des citoyens regagnant le cœur de la ville.

Dans le relâchement du décorum déposé, les ressentiments s’affirmèrent : on citait ce mot entendu : « Voyez ce bougre-là, ce n’est pas assez d’être le maître, il faut encore qu’il soit un dieu[3] ! » On assure que Lecointre, – un demi-fou, – s’approcha de Robespierre et lui dit en face : « J’aime ta Fête, mais toi, je te hais[4] ! » Vilate raconte que Vadier et Barère avec lesquels il se trouva, soit à la rentrée aux Tuileries, soit ailleurs, parlaient à mots couverts, s’amusant à intriguer Sempronius Gracchus. Barère disait : « La Mère de Dieu n’enfantera pas son Verbe divin… » Vadier, toujours ricanant,

  1. Archives nationales, F14, I 84. – « Nottes (sic) Caractère de la Fête sans tache. » Ces notes paraissent être le plan d’un discours célébrant la beauté de la cérémonie. Serait-ce une ébauche rapide dictée par Robespierre à Simon Duplay ?
  2. Idem. Repas civique et frugal au champ même de la Réunion. – « La cérémonie finit tard ; nous mourions de faim et de soif. Talma et David eurent grand’peine à nous trouver à manger ; encore fûmes-nous obligés de nous cacher, car cela aurait paru trop prosaïque à Robespierre qui, placé au sommet de la montagne, croyait sans doute que cette nourriture d’encens devait nous suffire. » Souvenirs de Louise Fusil.
  3. Vilate, Les Mystères de la Mère de Dieu dévoilés, 314.
  4. Baudot, Notes historiques, 340.