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comme une mer tricolore. Sur les deux rampes, dévalant en courbes élégantes, les artistes et les musiciens de l’Opéra ; toutes les chanteuses, vêtues de blanc, couronnées de roses, tenant en main une corbeille remplie de fleurs[1] ; au bas de l’escalier, les corps de tambours et les musiques militaires ; puis, jusqu’à l’infini de la perspective, toute la population parisienne, contenue dans un ordre parfait, encadrant les délégations qui vont figurer dans le cortège. L’homme qui, en ce jour ensoleillé, est le but de tous les yeux, l’objet de l’admiration, de la curiosité ou de l’étonnement de cinq cent mille êtres, doit établir dans sa pensée un rapprochement entre cet apogée de sa vie et le souvenir de cet autre jour où, cinq ans auparavant, dans son vieil habit élimé, il a, perdu dans la foule, aperçu de loin, d’en bas, le roi de France, trônant sur une estrade et s’adressant aux députés de son peuple ainsi qu’aujourd’hui, lui, l’ancien petit robin provincial, va parler à la foule immense recueillie à ses pieds.

Il parle, en effet, debout à la balustrade de l’amphithéâtre. Sa voix, habituellement rauque, est si claire, sa diction si nette, qu’on l’entend au loin. Son bref discours est plusieurs fois coupé par les applaudissements[2]. Maintenant, c’est l’instant critique : il lui faut quitter l’estrade, descendre seul le monumental escalier, parcourir la longue distance qui sépare l’amphithéâtre du bassin des parterres, au milieu duquel se dresse l’Athéisme qu’il s’apprête à pulvériser. Aucune relation n’indique de

  1. Souvenirs de Louise Fusil.
  2. Journal de Paris national du 21 prairial, p. 2126.