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perdaient sous la profondeur des marronniers touffus[1], laissant libre la grande allée du jardin où prenaient place les groupes de tambours, le bataillon des adolescents entourant les porteurs de drapeaux, les canonniers avec leurs pièces, les corps de musique et les délégations de vieillards, tous massés en bon ordre depuis le pont tournant jusqu’aux parterres voisins du château où l’on avait, ce printemps-là, planté des pommes de terre pour démocratiser le jardin royal et dont l’aspect rustique faisait tache dans ce théâtral décor[2].

Maximilien considéra longtemps cette multitude dont l’animation joyeuse l’emplissait d’orgueil : c’était à son appel que ces centaines de milliers d’êtres se rassemblaient ; une même pensée les unissait tous, et c’était lui qui la leur avait suggérée. Vilate l’entendit murmurer : « Voilà la plus intéressante partie de l’humanité. Ô nature, que ta puissance est sublime et délicieuse ! Comme les tyrans doivent pâlir à l’idée de cette Fête[3] ! » Si ces paroles ont été fidèlement reproduites, voilà établi que, même quand il parlait pour lui seul, l’Incorruptible cultivait l’emphase. Il s’attarda dans sa rêverie : tout à coup, voyant l’heure venue d’entrer en scène, il partit si précipitamment qu’il oublia

  1. La place de chaque section était d’avance indiquée par des jalons portant des lettres alphabétiques. Détail des cérémonies et de l’ordre à observer… Moniteur, réimpression, XX, 655.
  2. Archives nationales, C 1843. – « 4 brumaire an III ; le Comité de salut public au Comité des inspecteurs de la salle. – « Les pommes de terre qui, au printemps, ont été plantées à grands frais dans le jardin national, sont mûres depuis quelque temps ; il serait temps de les cueillir (sic), s’il n’est pas trop tard. »
  3. Vilate, Causes secrètes du 9 thermidor, 197.