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trouve un emploi bien rétribué, on l’a nommé juré au Tribunal révolutionnaire et, afin qu’il soit en position de tout observer, gratifié d’un joli appartement aux Tuileries mêmes ; il est logé au pavillon de Flore, et ses fenêtres ouvrent sur le jardin national. Il mène l’existence la plus agréable, soupe avec les puissants du jour, « dans les restaurants renommés » ; on le convie aux parties fines de Clichy ou de Saint-Cloud ; il y amène « son amie », une délicieuse brune « au teint de lys et de rose », folle de gaîté, « brillante d’attraits » et qui doit être, en effet, bien séduisante, car « cette petite » est prise en grippe par les maîtresses de Barère et de Vadier, dont les « soixante ans de vertu » ne répugnent pas à se mêler aux ébats amoureux des bons vivants de la Convention.

Vilate invita Robespierre à venir chez lui jusqu’à l’heure de la cérémonie, et le président y consentit. Vilate, qui attendait du monde, avait préparé un en-cas pour ses invités et il insista pour que Robespierre, qui était à jeun, prît quelque chose. Celui-ci se débarrassa de son bouquet, mangea peu et parla moins encore. Il semblait porté sur les nuages ; ses traits crispés s’étaient détendus ; son visage ordinairement sombre rayonnait d’une joie intérieure et toute son attitude révélait un fébrile enthousiasme. Il s’était approché de la fenêtre et, avec une manifeste et profonde émotion, contemplait la foule qui, en cohortes militairement conduites, affluait dans l’immense espace ; les femmes, toutes en robes blanches, s’alignaient du côté de la rivière ; les hommes du côté de la terrasse des Feuillants : leurs longues files moutonnantes se