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Ces choses-là, fort belles sur le papier, sont d’une réalisation grotesque. David ne l’ignorait pas et voulait que la cérémonie du 20 prairial fût digne de son grand nom ; il ne faisait rien, d’ailleurs, sans consulter Robespierre dont se préparait, à proprement parler, l’apothéose personnelle. Celui-ci s’occupait des moindres détails : ainsi, ayant appris, le 16 prairial, que le Comité d’instruction avait chargé Marie-Joseph Chénier de composer les paroles de l’hymne qui devait être chanté sur la montagne par les soli et les choristes de l’Institut national de musique et de l’Opéra, il refusa net le poème de ce factieux, de ce girondin, en qui il flairait un ennemi. Les journaux imprimaient déjà les vers de Chénier ; Gossec en avait terminé la musique ; elle était gravée ; n’importe : trois jours avant la Fête, il fallut obéir. Par chance, un poète inconnu, Désorgues, apporta une ode dont le texte s’adaptait parfaitement à la mélodie du compositeur et la substitution fut opérée en hâte[1]. C’est même probablement Robespierre qui conçut l’idée d’associer le peuple au chœur officiel et, pour éviter une cacophonie qui eût nui à la majesté de la Fête, les enfants des écoles durent se rendre à l’Institut de musique où on leur serina le thème de l’hymne, tandis que des professeurs parcouraient les sections pour le faire connaître aux citoyens. Plusieurs récits montrent même des maîtres tels que Gossec, Lesueur, Méhul, Cherubini, juchés, la veille

  1. Constant Pierre a élucidé le fait tant dans son livre sur Sarrette et les origines du Conservatoire, p. 78 et s., que dans son important ouvrage sur les Hymnes et chansons de la Révolution, p. 308 et s.