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le père Renault qu’il trouvait sanglotant, éploré du retard inexpliqué de sa fille à l’heure du souper. Il l’avait attendue dans l’angoisse toute la soirée ; Héron emmena en même temps le fils Renault et une vieille religieuse, tante de Cécile : il apprit que celle-ci avait deux autres frères, servant aux armées, et des mandats d’arrestation furent décernés contre eux : il profita de ce qu’il était dans la maison pour visiter la chambre de la petite Renault et y vit, au-dessus du lit, « une espèce de bannière ornée d’une couronne, d’une croix et de fleurs de lys en papier d’argent[1] ». C’est à peu près tout ce qu’on put savoir des sentiments de la « criminelle », bien que le zélé Fouquier-Tinville remuât ciel et terre pour enfler l’affaire et se faire valoir. Au dire de ses voisins, Cécile était une petite coquette, dépensant tout son argent en toilettes et s’endettant même chez les ouvrières et les marchands du quartier. Elle avait récemment commandé chez la citoyenne Cruel, couturière, une robe de taffetas bleu, en l’invitant à « pousser l’ouvrage ». – « On ne sait ce qui peut arriver, disait-elle ; je peux aller à la guillotine ; je veux mettre mes affaires avant. » Elle ne savait ni écrire, ni même signer son nom et ses réponses aux nombreux interrogatoires que lui fit subir Dumas, l’un des présidents du tribunal et fervent Robespierriste, dénotent, ou qu’elle est folle, ou qu’elle veut mourir pour une raison qu’elle ne révélera pas. Quelqu’un qui la vit à la Conciergerie jugea que « les mouvements égarés de ses yeux semblaient indiquer la démence[2] ».

  1. Archives nationales, AFii 275 et W 389.
  2. Riouffe, Mémoires d’un détenu, 74, cité par Campardon,