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se retira avec son compagnon, sans avoir obtenu une parole ni même un regard[1].

On a aussi les impressions d’un certain Stanislas Lacante qui, ayant à solliciter l’appui de Robespierre en faveur d’un capitaine dénué de ressources pour rejoindre son régiment, réussit à pénétrer jusqu’à la salle à manger de la maison Duplay, y trouva douze convives attablés, ne parvint pas à formuler la requête et sortit au plus vite sous les invectives des dîneurs dont l’un le menaçait « d’une volée de coups de bâton[2] ». La prudence exigeait de ne point risquer pareille démarche sans être présenté par quelqu’un de l’intimité : encore fallait-il que l’une des demoiselles Duplay s’intéressât au postulant ; leur seule intervention triomphait de l’inflexibilité des consignes. Ouvrard, plus avisé que Lacante, s’étant mis en tête de sauver ses compatriotes nantais déférés au Tribunal révolutionnaire, profita d’une absence momentanée de Robespierre pour courir chez Duplay, fut reçu par deux des jeunes filles, les pria instamment de lui ménager un entretien avec leur hôte, et obtint d’elles la promesse d’une tentative. Le lendemain, la plus jeune, toute joyeuse, l’avisa qu’il serait reçu le jour suivant. À l’heure convenue, on l’introduisit sans difficulté, mais fort ému, dans la salle à manger où le terrible tribun prenait son café, à côté d’Éléonore et d’Élisabeth. Robespierre accueillit Ouvrard courtoisement, l’engageant à partager son déjeuner, mais déclarant « qu’il ne

  1. Mémoires de Barras, I, 148 et s.
  2. F7 477427, dossier Lacante. Interrogatoire du 8 germinal an II.