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madame Duplay et l’une de ses filles sont postées là ; la fille étendant sur une corde des bas de coton rayé, qu’elle vient de laver et que Barras reconnaît pour être de ceux que porte habituellement Robespierre ; la mère, un baquet entre les jambes, épluche des herbes.


LA COUR DE LA MAISON DUPLAY
D’après la gravure du Paris-Historique de Nodier et Christian

Fréron, qui connaît le local, va droit à l’escalier qui conduit chez Robespierre ; mais les deux femmes assurent que celui-ci est absent ; comme Fréron insiste, elles lui barrent le chemin ; la mère dit : « Eh bien ! je m’en vais prévenir. » Du bas de l’escalier, elle crie : « C’est Fréron et son ami dont je ne sais pas le nom ! » Montant devant eux, elle ouvre la porte de la chambre ; les deux hommes entrent ; ils trouvent Robespierre debout, enveloppé d’un peignoir et sortant des mains de son coiffeur ; sa perruque, tout son visage sont enduits d’une épaisse couche de poudre blanche. Sans rendre aux arrivants leur salut, sans dire un mot, sans paraître même s’apercevoir de leur présence, il se tourne vers la petite glace suspendue à la croisée et, avec son couteau de toilette, racle la poudre qui couvre son front et ses joues, jette sur une chaise son peignoir, se lave dans une cuvette qu’il tient à la main, se nettoie les dents, crache à plusieurs reprises sur les pieds de ses visiteurs, sans leur donner aucune marque d’attention. Fréron a pris la parole, rendant compte de leur mission. Barras parle à son tour ; mais Robespierre ne répond mot. Pas un geste, pas un signe permettant de supposer qu’il ne se croit pas seul. Ni colère, ni dédain dans la physionomie. « Je n’ai rien vu d’aussi impassible, écrit Barras, dans le marbre des statues ou dans le visage des morts. » Il