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influe essentiellement sur les destinées des nations… est un sentiment qui m’est nécessaire… » Et, à cette heure, unique peut-être dans sa carrière, où, emporté par l’élan de son improvisation, il découvre le fond de son âme, il laisse entrevoir qu’y rancissent toujours les rancunes, les meurtrissures des abaissements de sa jeunesse et les humiliations de ses commencements ardus : – « Comment ce sentiment ne me serait-il pas nécessaire, à moi qui, livré dans l’Assemblée constituante à toutes les passions et à toutes les viles intrigues, me suis soutenu, environné d’ennemis nombreux ? Comment aurais-je pu supporter des travaux qui sont au-dessus de la force humaine, si je n’avais pas élevé mon âme ?… Ce sentiment divin m’a bien dédommagé de tous les avantages offerts à ceux qui voulaient trahir le peuple… » L’édifiante harangue s’acheva parmi les cris et les huées des auditeurs déroutés ; en purs jacobins, ils étaient déjà persuadés qu’un homme ne peut servir la cause du peuple, s’il n’est matérialiste avéré ; et, ce soir-là, pour comble de désastre, le malheureux évêque intrus, Gobel, présidait la société ; il poussa le courage jusqu’à se couvrir de son chapeau, ce qui clôtura la séance[1].

Dix-huit mois plus tard, Robespierre, à cette même tribune, proclama de nouveau sa croyance ; par un revirement dont l’ironie est frappante, Anacharsis Clootz présidait ; Clootz, le banquier prussien,

  1. Journal des débats et de la correspondance de la Société des Amis de la Constitution, 28 mars 1792. V. Le Mouvement religieux à Paris pendant la Révolution, par le docteur Robinet, II, 158 et s.