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donner des forces » ; ce répit occasionna une détente que les fidèles mettaient à profit pour échanger leurs impressions ; Jaton se rapprocha de Héron et lui dit à voix basse : « Je suis monté pour te prévenir que l’homme habillé de gris est dom Gerle. »

C’était dom Gerle, en effet, le mystique chartreux défroqué, l’ancien membre de l’Assemblée constituante, l’ex-impresario de la prophétesse Suzanne Labrousse. Depuis plusieurs années, sa foi dévoyée se raccrochait à toutes les superstitions, à tous les théosophes, gnostiques, visionnaires ou simples charlatans qui pullulaient dans Paris ; il avait fréquenté chez la duchesse de Bourbon qui collectionnait tous les genres d’illuminés : de là, sans doute, ses relations avec Catherine Théot, dont il était devenu le pontife. La présence de ce monomane chez la nouvelle Ève était une aubaine pour les agents du Comité de sûreté ; elle devait fournir à Vadier la possibilité de donner à son futur rapport une portée politique. La chanteuse cependant, réconfortée par son verre de vin, chantait à pleine voix :


Vérité, montre-toi ; viens changer notre sort,
Viens pour anéantir l’empire de la mort.


À ce moment, la porte s’ouvre brusquement ; une femme, connue des adeptes pour être une sœur fidèle, entre en tourbillon ; on se presse autour d’elle ; haletante, elle annonce que tout le quartier est en rumeur ; dans les cabarets voisins, des gens armés boivent à la santé de la Mère de Dieu ; des soldats sont groupés dans les environs ; même