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pour recevoir ses attouchements : à chacun d’eux Catherine présentait les deux espions : « Voici un frère d’aujourd’hui et un frère d’hier. » Tous accomplissaient les rites avec une grande ferveur : une des jeunes femmes présentes éprouva même une sorte d’extase ; elle réitéra plusieurs fois les baisers et laissa pendant quelques minutes sa bouche collée à celle de Catherine, répétant avec enthousiasme : « Que je suis heureuse ! Hélas ! ajouta-t-elle, sans notre Mère, nous étions tous perdus… Par ses soins et ses prières, Dieu ne mettra pas nos frères en jugement et nous serons sauvés ! »

À ce moment, le bruit d’un peloton de cavaliers dans la rue attira les femmes aux fenêtres ; elles regardèrent passer les soldats : « Ce sont peut-être, dit l’une d’elles, ceux qui vont garder à la boucherie nationale. » Un silence se fit dans la chambre : cette évocation de la guillotine glaçait la mystique exaltation des plus fervents ; on songeait aux malheureux qui, à cette même heure, comme tous les jours de cet effroyable été de l’an II, subissaient les affres du supplice ; à l’horrible angoisse du lent parcours en charrette depuis la prison jusqu’à l’échafaud. Héron entendit une jeune fille qui, répondant à la pensée de tous, soupira en frissonnant : – « Si j’y allais jamais, je voudrais « passer » la première. » Il rapporte ce mot dans son procès-verbal comme un incident sans valeur : pourtant c’était là l’explication, la justification même de la scène burlesque dont il venait d’être le témoin. Quand plus de 8.000 malheureux, destinés à l’échafaud, encombraient les prisons, quand les visites domiciliaires raflaient tous les habitants d’une maison, pour une