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au sortir de la chaire, les traitant d’hérétiques, dictant des mandements qu’elle adresse au curé de Saint-Hippolyte, à ceux de Sainte-Marguerite, de Saint-Martin, au doyen de Saint-Marcel, au curé de Saint-Gervais qui, moins patient que ses confrères, prend mal l’admonestation, porte plainte et obtient contre l’encombrante bigote une lettre de cachet. Catherine Théot fut arrêtée, mise à la Bastille et, avec elle, ses « sectateurs », – un menuisier, une pauvresse, une vendeuse de billets de loterie et un écrivain public nommé Hastain, qu’elle employait à copier ses mandements[1]. Après six semaines de détention, on la transférait à la Force, puis à la Salpêtrière, où on la garda plus de trois ans[2].

C’est alors que la femme Godefroid, modeste ouvrière vivant de sa couture, recueillit « la martyre » et se fit sa servante ; leur vie commune n’était troublée que par les visites de Dieu à son élue. Catherine, devenue « la mère du Verbe », lisait dans l’avenir, se disait assurée de ne pas mourir et communiquait à ses adeptes ce privilège envié. Ces deux femmes vécurent de la sorte durant dix ans, recluses dans leur rêve enchanté ; l’ouragan révolutionnaire, l’effondrement de la royauté, le règne de l’échafaud, la guerre, le bouleversement du monde, rien n’entamait leur placidité. Les yeux fixés sur le ciel, à peine se doutaient-elles de ce qui se passait sur

  1. Fr. Funck-Brentano, Les Lettres de cachet à Paris, étude suivie d’une liste des prisonniers de la Bastille, 1659-1789. V. les numéros 5093 à 5097.
  2. Archives de la Salpêtrière : – « Entrée le 29 mai 1779, Catherine Thor (sic), 63 ans, de Brantou (sic), diocèse d’Avranches. Ordre du roy. Sortie le 27 juin 1782. »