Page:Lenotre - Robespierre et la « Mère de Dieu », 1926.djvu/103

Cette page n’a pas encore été corrigée

duchesses ou marquises auxquelles il sera fatal. Au nombre de ces dévoyées est la marquise de Lacroix, dont les aptitudes théurgiques sont très remarquées et se développent « jusqu’à la mettre assez habituellement dans un état qui tient le milieu entre la vision et l’extase » ; elle a « des manifestations sensibles » et entre à volonté en conversation suivie avec « les puissances spirituelles ». Or, cette marquise de Lacroix comptait, en 1792, parmi « les dévotes de Robespierre », et elle poussait l’exaltation jusqu’à se désabonner, par une lettre des plus acerbes, à un journal qui avait critiqué la politique de l’Incorruptible[1]. Il y a du Swedenborg dans la doctrine de Saint-Martin ; celui-ci, du reste, a été intimement lié, à Strasbourg, avec Silferhielm, neveu du fameux théosophe suédois qui « voyait les anges, leur parlait et décrivait de sang-froid leur logement, leur écriture, leurs habitudes », et contemplait de ses yeux « les merveilles du ciel et de l’enfer[2] ».

Les précieuses et les dilettantes mondains ne sont pas seuls séduits par ces nouveautés attrayantes ; elles affolent aussi la bourgeoisie et le peuple. On signale dans Paris un certain Père Raphaël, personnage mythique, qu’on ne parviendra pas à saisir, et le Prophète Élie vague en liberté par les rues[3] ; jusqu’au jour où Sénar lui mettra la main au collet et saisira sur lui un cahier de recettes parmi lesquelles est le « moyen de se rendre invisible

  1. Révolutions de Paris, n° 149, pp. 308, 311, et Hamel, Histoire de Robespierre, II, 229.
  2. V. un amusant chapitre de Mercier, dans le Tableau de Paris, édition de 1783, VI, 233.
  3. Archives nationales, F7 477420.