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une rougeaude Normande qui, travestie « en jeune Américaine », assistée d’un garçon boulanger, « tirait l’horoscope » à ceux que l’avenir inquiétait. Elle se flattera plus tard, – on n’est pas obligé d’ajouter foi à ses vantardises, – d’avoir eu pour clients, en ce floréal de l’an II, Barras, Saint-Just, Barère, Robespierre lui-même pour lequel elle concevait une médiocre estime, « parce qu’il fermait les yeux en touchant les cartes et frissonnait devant le neuf de pique ». – « J’ai fait trembler ce monstre », disait-elle[1]. Elle a, rue Fromenteau, un concurrent redoutable en Etteila, – de son vrai nom Alliette, – chiromancien et cartomancien fameux dont la mansarde ne désemplit pas et qui a publié, en 1790, son Cours théorique et pratique du livre de Thott pour entendre avec justesse l’art, la science et la sagesse de rendre les oracles, ouvrage dont les éditions se succèdent et se répandent dans tous les mondes[2]. Des observateurs de l’esprit public n’ont-ils pas signalé, dans l’hiver de l’an II, une vieille femme qui, à défaut d’autre dieu, adressait ses prières au portrait de Chaumette placé entre deux bougies ? Pétion n’eut-il pas ses dévots qui le jugeaient supérieur à N.-S. Jésus-Christ[3] ? Le jour même où l’on déposait devant le bureau du président de la Commune la châsse profanée de sainte Geneviève, la section des Quinze-Vingts proposait d’élever, dans la ci-devant église de l’abbaye de Saint-Martin, « un autel où de pieuses vestales entretiendraient un feu

  1. Marquiset, La Célèbre mademoiselle Lenormand, 24 et 26.
  2. Biographie nouvelle des comtemporains, 1820.
  3. Mémoires inédits de Pétion publiés par C. Dauban, XXXVI.