économiquement dégarni. Les charges, au palais royal, sont innombrables. Dans les antichambres errent des légions de grands-maîtres, de chambellans et de pages. Le service est fait par des soldats vêtus en esclaves d’Orient, et quand le roi se met à table, vingt-quatre trompettes et deux timbaliers, du haut de la plate-forme du château, annoncent au monde ce grand événement.
Frédéric officie jour et nuit ; il est ou se croit majestueux, quand il mange, quand il cause, quand il se tait, quand il ronfle. S’il parle de soi-même, c’est en termes déférents, à mi-voix, comme s’il parlait de Dieu. Il croit sa race élue et prédestinée à être l’instrument de la Providence. Les curieux des singularités de l’atavisme peuvent noter le cas de cet ancêtre dont la mégalomanie se retrouve en ses plus actuels descendants. On prétendait, à Berlin, que si les deux premiers petits-fils de Frédéric étaient morts presque au sortir du baptême, c’est parce qu’ils n’avaient pu supporter le fracas des salves et des fanfares, le poids des manteaux brodés, des couronnes, des insignes, des croix dont ils étaient surchargés. Ainsi Frédéric de Prusse imaginait-il imposer à l’Europe extasiée et se flattait-il d’égaler le Roi-Soleil, sans se douter qu’il n’en était que la parfaite caricature. Ajoutez à cela qu’il était bossu, ce qui nuisait quelque peu à la majesté qu’il prétendait, en toute occasion, imprimer à son allure.
Pour mieux singer son modèle, il prit, néanmoins, une maîtresse en titre : la femme de son premier ministre. La dame n’était ni jeune ni jolie ;