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BOISHARDY

l’Histoire a le devoir de s’arrêter[1]. En pareille matière, a dit un homme d’esprit, « ceux qui parlent ne savent pas, ceux qui savent ne parlent pas ». Pourquoi, à défaut de témoignages probants, décisifs, ternir d’un soupçon probablement injustifié, la touchante idylle de ces amoureux acheminés vers de cruelles catastrophes ?

Un lien de famille unissait cette gracieuse enfant au chevalier de Tinténiac ; — il l’appelait : ma cousine[2]. Or, on n’aperçoit pas que ce scrupuleux Breton eût désapprouvé ni l’intimité de sa parente avec Boishardy, ni l’affectation de celui-ci à la produire dans toutes les assemblées locales. Car le pays était en liesse ; les Bleus fêtaient les chouans qui leur rendaient la politesse et cette heureuse fusion, après tant et tant de désunions et de luttes, apparaissait si belle qu’on n’osait croire à sa réalité. Une de ces fêtes fut célébrée à Moncontour ; d’Andigné, qui s’y rendit, croyait rêver : il passa une partie de

  1. Injuste pour Humbert, d’Andigné est sévère pour mademoiselle de Kercadio — « Boishardy ne la quittait jamais, écrit-il, ce qui lui nuisait singulièrement dans l’opinion d’un pays religieux où on ne pouvait tolérer ce qui avait l’apparence du désordre. À cette époque on revenait aux principes de la morale la plus sévère et on supportait difficilement de lui voir une maîtresse qu’il annonçait, à la vérité, comme devant devenir sa femme, mais qui aurait dû l’être plus tôt. Cette jeune personne était riche et bien née ; malheureusement c’était une enfant sans caractère et la guerre civile ne peut vouloir qu’une héroïne pour maîtresse d’un chef de parti. » Il y a, dans cette diatribe, plusieurs erreurs : l’une de celles que les documents autorisent à réfuter permet de supposer d’Andigné mal renseigné : mademoiselle de Kercadio n’était pas riche : sa mère possédait à peine « 2.600 livres de revenu », ainsi que le constate l’accusateur public Besné dans une lettre au Comité de Législation. Archives nationales, D111 58, pièce 24.
  2. Archives des Côtes-du-Nord. Pièces relatives à l’entrevue du général Humbert avec Boishardy : — « Je vous prie de faire mes compliments à ma cousine et à nos camarades et de me croire avec un sincère attachement, le chevalier de Tinténiac. »