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BOISHARDY

de Boishardy est devenu le centre de l’Administration départementale : c’est un défilé constant de visiteurs : émigrés arrivant d’Angleterre et officiers de la République y festoient, s’y rencontrent journellement. Dans les dépendances du château est logée la petite garnison de chouans composant la garde du chef, une centaine de fidèles, uniformément vêtus « d’une veste grise à parements noirs[1] ». Ceux-là aussi se félicitent de leur sort : un belge, déserteur des troupes autrichiennes, enrôlé dans cette troupe d’élite, déclarera plus tard que, dès les premiers mois de 1795, « il n’a rien fait d’autre que de boire et manger et qu’il n’a jamais eu d’armes[2] ».

Plus réjouis encore de rencontrer sur leur route cette oasis sont les malheureux émigrés que Prigent débarque sur la plage d’Erquy ou sur celles du Clos-Poulet. Ils sont exclus de la pacification, d’avance condamnés à mort s’ils paraissent en France. Le moment d’aborder au rivage est si angoissant que les premiers mois de 1795, « il n’a rien fait d’autre écrites par quelques-uns de ces proscrits sont unanimes sur l’effroi que tous éprouvent à affronter, de nuit, les lignes de sentinelles, les chiens dressés par les gardes-côtes pour les chasses aux « ci-de-

    beaucoup de patriotes de ces communes vinrent à l’Administration demander de la troupe, et sur la réponse qui leur fut faite qu’il n’y en avait pas, ils déclarèrent en pleurant que, pour conserver leur vie, ils allaient être contraints de s’enrôler parmi les brigands. « Lettre de Robineau, commandant temporaire à Saint-Brieuc. Archives de la Guerre. Armées des côtes de Brest et de Cherbourg », pluviôse, III.

  1. Archives des Côtes-du-Nord. Interrogatoire de Pierre Daguenet, demeurant au bourg de Bréhand.
  2. Archives des Côtes-du-Nord. Déclaration de Le Vasseur, déserteur des troupes de l’Empire, 18 prairial, III.