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BOISHARDY

vanche : la loi punit de mort le propagateur de faux assignats : il n’a pas eu la tête de Boishardy ; il aura celle de « la Kercadio ».

La lutte fut épique : le 13 janvier, dès sept heures du matin, cent hommes du 60e régiment d’infanterie quittent Lamballe sous le commandement du citoyen Dubreuil, assisté de deux délégués du comité de surveillance munis d’un ordre de perquisition. On arrive à la Ville-Louët vers neuf heures ; la maison est cernée ; la demoiselle Kercadio s’enfuit dans le jardin ; les soldats la saisissent et arrêtent aussi un homme qui se sauve dans un champ voisin : on le somme de décliner ses noms et qualités : il sort de sa poche un sauf-conduit : — « Laissez passer librement le citoyen Chantreau, voyageant pour ses affaires. Signé Humbert, général de brigade. » Il n’y a qu’à s’incliner ; quant à la citoyenne Kercadio, on l’invite à présenter ses poches et à ouvrir ses armoires ; elle obéit, frémissante : on trouve sur elle une liasse d’assignats qu’on enveloppe et qu’on cachette ; mais elle refuse d’apposer sur ce paquet sa signature. Dans un placard on découvre un brevet portant un cachet à écu fleurdelisé, surmonté de la couronne royale et supporté par deux chats-huants : les commissaires s’en emparent ; mais la jeune fille le leur arrache des mains et le déchire[1]. On va la conduire à Lamballe ; elle déclare qu’elle n’ira pas ; si on la laisse libre, peut-être consentira-t-elle à s’y rendre le lendemain, mais de son propre mouvement. Les commissaires n’osent employer la vio-

  1. Un fragment de ce brevet lacéré par Joséphine de Kercadio est conservé aux Archives des Côtes-du-Nord. (P. Hémon, Le comte du Trévou, p. 63, n.)