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LA MIRLITANTOUILLE

les boutiques… » Les proscrits qui, depuis des mois ou des années n’avaient pas vécu en France, trouvaient une agréable étape en ce logis breton, placé sous la sauvegarde de toutes les autorités de la République et qu’égayait la présence de la charmante hôtesse de Boishardy.

L’aimait-elle ? Ardente royaliste, brave, aventureuse, d’esprit romanesque, il est hors de doute qu’elle considérait comme un héros ce maître adoré de tout le pays et dont le prestige s’augmentait, aux yeux de la jeune fille, des dangers sans nombre qu’il avait bravés. Mêlée à sa vie de hasards, elle savait les dévouements qu’il suscitait et elle se rappelait aussi que, toute fillette, il l’avait prise sous sa protection. De l’enthousiasme à l’amour la distance est courte. D’ailleurs on possède, tracé de la main même de mademoiselle de Kercadio, l’aveu sans détour de ses sentiments : c’est un billet d’elle, adressé à Boishardy et qui fut découvert en des circonstances dont on lira bientôt le récit :

Est-il possible, mon cher petit époux, que je sois assez malheureuse pour être loin de toi, de toi qui fais tout mon bonheur. De quelque manière que les choses se tournent, je veux être avec toi. Oh ! si tu m’aimais autant que je t’adore, il n’y aurait jamais eu de couple si heureux que nous, car tous les malheurs qui pourraient m’arriver me seraient indifférents pourvu que je te sache bien portant et que tu aimes celle qui n’est heureuse qu’avec toi. Si tu changeais de sentiments à mon égard, je crois que je serais assez courageuse pour m’ôter une vie qui m’est importune loin de toi, les fois que tu m’as dit que tu n’avais pas un instant pour m’écrire. Oh ! quand on aime comme moi, on trouve toujours un instant pour dire à sa femme qu’on l’aime. Quand tu sacri-