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LA MIRLITANTOUILLE

L’heureuse nouvelle fusa dans le pays avec l’instantanéité d’une détonation et causa une joie délirante : à la pente de tous les talus on voyait écrit dans la neige le nom de Boishardy[1]. Puis, ainsi qu’il arrive dans les grands mouvements d’émotion populaire, sourdirent les faux bruits : on raconta que le chef royaliste « s’était rendu » ; suivant d’autres « les Bleus l’avaient amené de force à Moncontour[2]. » De fait il y parut, mais volontairement, pour offrir le 12 nivose, en son vieux manoir de Bréhand, un souper au général Humbert et à trois de ses officiers ; on répudiait ainsi le calendrier républicain : le 12 nivose de l’an III coïncidait en effet avec le 1er janvier 1795 et l’on but ensemble à la nouvelle année[3]. On trinqua aussi entre bleus et chouans aux corps de garde, dans les cabarets et il en fut de même en bien des endroits. Le 6 janvier, ci-devant jour des Rois, des officiers de la république, voire des députés à la Convention, choquèrent leurs verres à « la santé » de la pacification naissante[4].

À ce moment, Cormatin parut. Depuis son débarquement, en septembre, très embarrassé de sa promotion imprévue, il s’était tenu discrètement à l’é-

  1. Archives de la Préfecture de Police, A A/295, pièce 156.
  2. Archives de la Préfecture de Police, A A/295, pièce 156.
  3. « Dites-nous des nouvelles de votre souper de jeudi soir… » Lettre non signée adressée à Boishardy le 3 janvier 1795. Même dossier. — « Ce fut hier au soir que nous soupâmes, dans la maison de M. Boishardy, avec Solilhac, Chantreau et moi, le général Humbert, son aide de camp et deux autres officiers. Le général est jeune et aimable ; il n’y a pas de prévenances qu’il ne nous ait faites, ainsi que ses officiers. » Lettre de Cormatin à Puisaye, 2 janvier 1795. Mémoires de Puisaye, IV, 309.
  4. D’après une note de Boursault, citée par Deniau, V, 67.