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BOISHARDY

incohérents et de mesures contradictoires. Comment Boursault, par exemple, ose-t-il parler de concorde quand, six semaines auparavant[1], il a promis 3 000 livres de récompense à qui livrera morts ou vifs Boishardy ou d’autres chefs bretons ? Aussi, quand est promulgué le décret d’amnistie voté par la Convention, les Bretons soupçonnent un nouveau piège[2] et Boishardy va témoigner avec éclat de leur mépris pour de si fallacieuses promesses.

Le décret est affiché à Rennes le 14 décembre : le 15, au jour tombant, un mot d’ordre chuchoté se répand dans les villages et les métairies de la région de Bréhand et de Quessoy. À neuf heures du soir, au fond des chemins creux, des petits groupes d’hommes armés circulent silencieusement ; à mesure qu’ils avancent d’autres détachements les rejoignent, émergeant sans bruit de l’ombre ; un personnage singulier préside à ce rassemblement : c’est un des lieutenants de Boishardy, un Anglais, dit-on ; on ne lui connaît d’autre nom que Pipi ; il est vêtu d’un habit bleu et il porte à son chapeau une plume blanche[3]. Bientôt sa troupe débouche sur le chemin qui va de Moncontour à Dinan ; elle est au complet :

  1. Le 24 septembre 1794. L’arrêté n’était pas rapporté à l’époque de l’amnistie.
  2. Une lettre de Londres, adressée à Boishardy (?) témoigne de cet état d’esprit : — « … Je pense que la proclamation dernièrement envoyée par la Convention n’a produit aucun effet parmi vos braves soldats. Je plaindrais beaucoup ceux qui seraient assez dupes pour se rendre à des promesses aussi trompeuses. Le système modéré que la Convention affecte n’est qu’un piège tendu aux gens de bonne foi pour mieux les égorger. L’expérience nous a appris à nous tenir en garde contre un ennemi aussi fourbe… » La Robrie (Archives de la Préfecture de Police, A A/295.)
  3. Archives des Côtes-du-Nord, 25 frimaire, III. Déposition de Pierre Hélio, déserteur de la 92e demi-brigade. Citée par M. É. Bernard, loc. cit.