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LA MIRLITANTOUILLE

réfugier, sans ressources, à Nantes, chez un ami, supplie qu’on lui permette de venir se jeter aux pieds de Sa Majesté l’Empereur ; depuis quatre ans il est sans traitement, ses biens sont séquestrés ; il parvient à dépister la surveillance, à pénétrer dans Paris ; il est traqué par la police comme un malfaiteur ; ordre est donné de « s’assurer de la personne de cet individu » ; on l’arrête[1], on l’expulse, il retourne à Nantes, revient clandestinement et s’avance jusqu’à Versailles[2]. Mais il a pour ennemi personnel un policier influent, Dossonville ; on lui enjoint de se tenir « à quarante lieues de la capitale » et le voilà, de nouveau, rôdant en Bretagne, de Rennes, qui a vu ses beaux jours, à Ploërmel où il a un château dont il est dépossédé par l’ancien propriétaire, l’émigré de Brilhac[3]. Il accable l’Empereur de suppliques et d’offres de service. Peu lettré et mal instruit des nuances, il en est encore au farouche laconisme de l’an II : — « Sire, je vous demande des ordres, du fer et du plomb. » Ou bien il propose le plan d’une invasion de l’Angleterre : — « C’est dans Carthage seule qu’on peut détruire Carthage. » Il se fait fort de reprendre Saint-Domingue à l’aide des 30.000 Irlandais réfugiés aux États-Unis[4]. Ce bouillant soldat rêve de prouesses et voudrait se battre, et toujours il conjure qu’on lui dise quelle fut sa faute : — « Je jure sur l’honneur n’avoir jamais manqué à mon devoir. » En vain le maire de Nantes a-t-il sollicité l’indulgence

  1. Le 5 septembre 1803.
  2. Il y est logé chez le sieur Barreswil, restaurateur, à la grille de l’Orangerie.
  3. Archives nationales, F7 6355.
  4. Idem.