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LA MIRLITANTOUILLE

passée, se résigna, faute de pain, à solliciter l’usurpateur et il obtint un emploi de garde-magasin de l’intendance à l’armée d’Espagne. Rentré, en 1814, à son village natal de Saint-Coulomb, gratifié, — et non sans rebuffades, — par Louis XVIII, d’une maigre pension de 600 francs, le vieux brave qui, pendant dix ans, avait dirigé la correspondance des Princes exilés, se fit maître d’école, afin d’augmenter ses ressources. Il mourut à Saint-Coulomb, en 1856[1].

On regrette de consacrer si peu de lignes à la vieillesse de ces paysans qui, jetés à l’improviste dans les grandes tempêtes de l’Histoire, reprirent courageusement, quand ils furent vaincus, le tran-tran de la vie mesquine du village. Chacun d’eux mériterait une étude qui serait singulièrement révélatrice : que pensaient-ils ? que contaient-ils ? Comment jugeaient-ils leurs entraînements passés ? Que peut être l’examen de conscience d’un fanatique alors que l’âge l’a refroidi ? Éprouvaient-ils quelque remords des horribles luttes fratricides ? Il n’apparaît pas qu’ils raffinassent beaucoup sur ces choses lointaines, ni qu’ils apportassent à ces considérations tant de subtilité. Ces hommes, pour la plupart, étaient de grands enfants ; heureux d’avoir joué de bons tours à la révolution et jeté leur gourme avec fougue. Quand ceux qui n’avaient pas vécu au temps des luttes civiles interrogeaient Dufour sur les exploits de sa jeunesse, il satisfaisait volontiers leur curiosité et, invariablement, terminait ses récits par ces mots : — « Ah ! c’était le bon temps

  1. Sa descendance existe encore. Mémoires du colonel Dufour, de Saint-Coulomb, par P. Delarue, Saint-Servan, 1906.