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LA NUIT DU 4 BRUMAIRE

pend à la fenêtre ouverte : Le Gris-Duval s’est sauvé par là ; il est loin… Dujardin connaît Bosseny ; il sait le château bien machiné et juge inutile la poursuite ; mais madame Le Gris-Duval paiera pour son mari ; quoique très souffrante Dujardin l’emmène en otage et la retient captive durant plusieurs jours[1]. Quand elle revint, Le Gris, par prudence, se fixa, avec elle, pour plusieurs semaines à Saint-Brieuc ; pourtant, à la belle saison, ne pouvant se résigner à quitter Bosseny qu’il aimait, il recourut de nouveau à l’un de ces moyens de comédie si souvent mis en œuvre avec profit : il fit annoncer par les gazettes que les brigands l’avaient pris et fusillé[2], — et il réintégra discrètement sa maison de campagne. Le bon effet du stratagème fut durable ; l’été s’écoula sans alerte ; mais Dujardin, bientôt renseigné, guettait : après l’hiver passé en ville, comme Le Gris-Duval se réinstallait à son château, dès sa première sortie, il fut accueilli par une décharge de mousqueterie et atteint d’une balle. Il eut la force de se traîner jusqu’au souterrain ou quelque autre des nombreuses caches que comportait la propriété et, cette fois encore, il eut la vie sauve[3]. Ce fut sa dernière aventure : madame

  1. … « Dujardin, pour se venger de sa fuite (de la fuite de Le Gris-Duval), s’est emparé de sa femme (de madame Le Gris-Duval) et de ses deux domestiques, dont on ignore absolument. » Le préfet des Côtes-du-Nord au ministre de la Police générale, 6 avril 1802. P. Hémon, Le Comte du Trévou, p. 81.
  2. Bulletin historique de l’armée de l’Ouest, numéro du 31 mai au 9 juin 1801 : — « Le 7 (prairial an IX), dix déguisés en militaires et commandés par Duraux, ex-chef de brigands, l’ont conduit à quelque distance de la maison et l’ont fusillé, sans qu’on puisse en imaginer le motif. »
  3. Archives des Côtes-du-Nord. Rapport du capitaine commandant la gendarmerie, au Préfet, 4 juin 1802.