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LA MIRLITANTOUILLE

pris part à l’attaque de Saint-Brieuc. Depuis l’amnistie, il s’instituait l’implacable justicier de toutes les défections et de tous les reniements ; il opérait dans la région du Mené, étendant ses brigandages depuis les confins du Morbihan jusqu’à Moncontour[1]. Sa troupe comportait une quarantaine d’hommes très redoutés, le chef exigeant d’eux « la férocité » : — « Il y a, disait-il, des républicains qui ne craignent pas la mort ; il faut les effrayer par la torture : coupez les membres, arrachez les yeux et la langue[2]… » Il s’était juré de faire expier à Le Gris-Duval sa désertion. Dans la nuit du 4 au 5 avril 1801, le château de Bosseny est envahi par une bande armée : ce ne sont plus les Bleus ; cette fois, ce sont les Chouans, et quoique engoué des revirements dramatiques, il n’est pas sûr que Le Gris-Duval goûta pleinement la causticité de celui-ci. Dujardin commande les envahisseurs ; il se présente à son ancien chef : il a l’ordre, dit-il, « de le conduire dans le Morbihan ». La formule est transparente : ceux des Chouans que le parti soupçonne de trahison sont traduits devant Georges Cadoudal, et ne reparaissent jamais. Le Gris-Duval ne se trouble pas ; il obtient la permission de dire adieu à sa femme, passe dans la chambre voisine, tarde à revenir… Dujardin perd patience, pénètre dans la pièce où son prisonnier vient d’entrer ; une corde

  1. Archives nationales, BB18 254. En décembre 1801, on arrêtait et on emprisonnait à Moncontour trois hommes de la bande de Dujardin, Torcaret, Puisard et Brunet. Les deux premiers furent exécutés à Saint-Brieuc, le 9 janvier 1802. Le troisième, évadé de la prison de Moncontour, fut repris et fusillé le 2 avril. Archives nationales, F7 7939.
  2. Révélation anonyme. É. Sageret, Le Morbihan sous le Consulat, IIB, p. 481.