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LA MIRLITANTOUILLE

famille l’a renié ; la Révolution venue, enrôlé dans l’état-major de la Rouerie, puis émigré en Angleterre, il continue à servir la cause royale ; en août 1793, il débarque, un soir, sur la côte de Saint-Malo, marche jusqu’au matin dans la campagne, parcourt cinquante lieues en cinq nuits, passe la Loire à la nage, se présente aux chefs vendéens. Un si tenace dévouement de la part de cet inconnu étonne ; Tinteniac est reçu avec méfiance ; il confesse qu’il cherche à expier par quelque action d’éclat « les fautes de sa jeunesse ». Il retourne à la côte, s’embarque, aborde en Danemark, pousse jusqu’en Westphalie à la recherche du comte d’Artois dont il veut prendre les instructions. Le voici, de nouveau en France ; il se met aux ordres de Puisaye. Il a trente ans ; il est de petite taille, mais d’une figure séduisante qu’éclairent des yeux pleins de franchise et de bravoure. Par son active entremise, il rallie à Puisaye le chevalier de Silz, chef d’une légion du Morbihan, puis un ancien officier de la Rouerie, le comte de Lantivy, puis encore un paysan chef de bande, Jean Jan, que rendirent fameux son intrépidité et sa haine farouche des Bleus, et aussi un petit hobereau des environs d’Auray, au nom encore obscur et qui s’appelle Georges Cadoudal ; d’autres enfin qui seront marquants, Guillemot, Saint-Régent, Mercier la Vendée. Malgré leur dispersion, Puisaye correspond régulièrement avec tous ; il est parvenu à rétablir et à amplifier ces lignes de communication clandestine créées par la Rouerie et le long desquelles un émigré arrivant de la côte ou un émissaire porteur de dépêches sont certains de rencontrer, de distance en distance,