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BOISHARDY

rer ce papier-monnaie remboursable en numéraire, à l’exclusion de tout autre, dès la restauration de la monarchie. Cette conception ruinerait indubitablement le crédit de la République et la mettrait à merci en quelques semaines. À ce titre, elle ne déplut pas ; d’irréprochables gentilshommes, susceptibles sur le point d’honneur et qui auraient individuellement mieux aimé mourir que faire tort d’un liard au plus avéré fripon, goûtèrent fort cette ruse de guerre[1]. On était, il est vrai, au printemps de 1794, la terreur faisait rage ; pas une ville où l’échafaud ne fût en permanence, et la proposition de Puisaye s’adressait à des hommes que la ruine, les deuils, la persécution réduisaient au désespoir et qui s’accoutumèrent à le considérer comme leur chef en raison même de l’audace et de la nouveauté de ses projets.

L’un des premiers qu’il s’attacha appartenait à une antique et noble famille ; c’était le chevalier de Tinteniac, romanesque et touchante figure : au début de sa carrière, brillant officier aux chevau-légers, puis de la marine royale, ardent au plaisir, il a aimé, il a joué ; de retentissants duels et de mauvaises affaires ont compromis son avenir ; sa

    Guerre de Vendée et Chouannerie, p. 48. D’après les papiers de Puisaye, explorés par Louis Blanc, ce signe distinctif était : — « pour les assignats de cinq livres, à la bande de droite, le premier azur en descendant, le plus près et au bout du mot Mort, un peu émoussé par un coup de burin, dans la partie droite, à côté du filet extérieur. Pour les assignats de cinquante livres : au filet d’en bas, en dehors, sous le troisième chiffre de la série, un point rond, etc… » Louis Blanc, Hist. de la Révolution : Chute des assignats.

  1. Elle fut probablement inspirée à Puisaye par une proposition à peu près semblable adressée dès mars 1793 au gouvernement anglais par l’Écossais William Playfair.