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LA NUIT DU 4 BRUMAIRE

Quand il est prêt, le Chouan, armant son fusil, dit : — « Mets-toi à genoux… Tu ne veux pas que je te manque, n’est-ce pas ? — Non », souffle Giraudeau ; et il tient lui-même le bout du canon sur sa poitrine. À ce moment, une fusillade multiple éclate, très proche, du côté de la Croix-Saint-Lambert : le Chouan surpris tourne la tête : Giraudeau, d’un mouvement désespéré, arrache le fusil, assène sur la tête de son bourreau un formidable coup de crosse et, d’un bond, saute dans le taillis où il disparaît[1]

Les Bleus approchaient, en effet. Quand, au matin du 27 octobre, les derniers Chouans eurent évacué Saint-Brieuc, les habitants ne pouvaient croire qu’ainsi se terminait leur brutal cauchemar. Ils soupçonnaient une feinte de l’ennemi, simulant la retraite afin d’entraîner la garnison à sa suite et revenant en force pour piller la ville privée de ses défenseurs[2]. La matinée se passa sans nouvelle agression ; on reprit haleine et on s’occupa de dresser le bilan de la nuit tragique : au total, sept bourgeois tués, dix-sept blessés, dont sept gendarmes ou militaires ; on trouva dans les rues trois

  1. Sur ces faits, assez peu vraisemblables, on n’a, comme référence, que la relation de Giraudeau lui-même, telle qu’elle résulte de sa déposition devant le juge de paix Cartel, au cours de l’enquête entreprise à l’occasion des événements de la nuit du 4 brumaire. Habasque l’a résumée au tome II, p. 84 et suiv. de ses Notions historiques, publiées à Saint-Brieuc en 1834. Habasque était président du tribunal de Saint-Brieuc et il semble avoir eu connaissance de témoignages aujourd’hui disparus.
  2. C’est le prétexte allégué par l’Administration centrale du département pour expliquer le peu d’empressement qui fut apporté à poursuivre les bandes de Mercier La Vendée. Archives nationales, BB18 253.