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LA MIRLITANTOUILLE

propre importance ; il passait de l’humble rôle de mouche du coche à l’enivrant emploi de grand diplomate, et aussitôt il fut à la hauteur de sa tâche : bien persuadé que le gouvernement britannique ne soutiendrait jamais une cause perdue, il décida, tout d’abord, de le convaincre que le désastre de l’armée vendéenne n’était pas, pour le parti royaliste, un coup mortel, les Bretons, secrètement enrégimentés, n’attendant qu’un signal pour se soulever en masse et jeter bas la République. Il importait surtout de présenter aux ministres du roi George un projet d’action économique permettant de réaliser la contre-révolution sans qu’il en coûtât un schelling à l’Angleterre ; et c’est alors que Puisaye conçut ce séduisant et déloyal stratagème, qui lui fut personnellement très profitable, mais ne lui valut point la gloire.

Il partait de cet axiome que la Révolution, en gageant ses assignats sur les propriétés volées aux Princes, au clergé et aux émigrés, émettait de la fausse monnaie. Le propriétaire injustement dépossédé ayant le droit de reprendre son bien par tous les moyens en son pouvoir, il en concluait que les Princes, les émigrés et le clergé étaient seuls désignés pour mettre en circulation un papier-monnaie honnêtement et solidement gagé. Il se proposait donc d’établir à Londres une vaste imprimerie « d’assignats royaux », absolument semblables aux assignats de la Nation, sauf un signe secret, perceptible aux seuls initiés[1], et qui permettrait de décla-

  1. « Ce signe secret ne put être découvert par les commissaires de la République qui firent l’examen le plus minutieux des assignats royaux saisis. » A. Rouillé, Assignats et papiers-monnaie,