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LA NUIT DU 4 BRUMAIRE

fusille[1] ! » Un jeune officier royaliste fend impétueusement la foule : c’est Étienne Le Frotter ; blessé — sans doute par la mitraille de l’espingole du concierge, — il est entré pourtant l’un des premiers[2] dans le cachot de sa mère qu’il entraîne, tout frémissant de bonheur ; son jeune frère Honorat, — qui, bien qu’acquitté, était resté détenu dans une autre partie de la geôle, — est également délivré et madame Le Frotter, à travers l’entassement, franchit, entre ses deux enfants qu’elle tient embrassés, le seuil que, sans le dévouement tenace de son fils aîné, elle devait passer dans quelques heures, conduite par le bourreau, vers l’échafaud de la place de l’Égalité.

Là, sous les arbres du Cours, à l’endroit même où s’est dressée pour Duviquet la guillotine, se groupent les prisonniers délivrés : outre madame Le Frotter, il y a des Chouans de marque : Guezno de Penanster, Le Veneur de La Roche, Le Vicomte, Even, le notaire de Callac, Kerlabannec, père et

  1. Déclaration de Jacques Godéart, chasseur de la 13e demi-brigade.
  2. D’après la déclaration de Jeanne Girault, qui se trouvait dans le cachot de madame Le Frotter, ce sont « deux hommes armés qui entrèrent d’abord dans cette cellule : dans l’une de ces personnes, elle reconnaît Justice. Il alla au lit de madame Le Frotter et dit : — Levez-vous promptement ; dans un autre moment nous nous ferons des caresses ». Suivant la déclaration de la femme Rideau, il l’aurait embrassée : celle-ci ajoute : — « Frotter fils, un des détenus (Honorat), entre aussi dans l’appartement de sa mère, et, se jetant dans ses bras, il la supplie de n’être pas longtemps à s’habiller. » La présence d’Étienne Le Frotter est également constatée : — « Après avoir délivré sa mère, il était allé rejoindre les siens » (ses soldats). Lamarre, Histoire de la ville de Saint-Brieuc. Mais aucun détenu ne parle de lui, sans doute parce qu’il est inconnu de tous et l’on peut croire qu’il était le second « homme armé » qui entra avec Justice, dès la prison conquise, dans le cachot de la condamnée.