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LA MIRLITANTOUILLE

C’est un moment de répit. Mais les colères montent ; les Chouans enserrent la prison ; le canon pris à la Mairie est braqué contre la porte que de terribles heurts ébranlent… — « Rends-toi, scélérat ! Nous te tenons ! » Peyrode, aux abois, se suspend de nouveau à sa cloche ; sa vieille mère n’est pas revenue. Que se passe-t-il donc là-bas ? Que font les soldats, les gardes nationaux, les gendarmes ? La porte va céder sous les poussées furieuses[1] : on l’attaque maintenant à grands coups de ciseau et de maillet. Peyrode, qui se voit perdu, penché à la fenêtre du corps de garde, décharge à bout portant son espingole sur les assaillants. La ruée est formidable : la porte s’abat, et, dans le noir de la prison conquise, la masse des Chouans victorieux s’enfourne, compacte, irrésistible, lancée à tâtons par les chambrées ténébreuses[2] ; mêlée tourbillonnante des vainqueurs qui s’écrasent pour entrer et des prisonniers qui foncent dans la cohue pour profiter de la porte ouverte. Beaucoup, empêtrés de chaînes aux pieds et aux mains, trébuchent dans cet écrasement. Rolland dit Justice[3] essaie de dégorger le remous : — « Le premier bougre qui ne voudra pas sortir, je le

  1. « Un bruit terrible se faisait entendre autour de la prison. » Déclaration de Marie-Yvonne Rideau, culottière en peau, de Brest. François Richard, canonnier, déclare « qu’il a longtemps entendu frapper à la porte à coups redoublés ».
  2. Déclaration de Béatrix Riollay, épouse de Jean André, 40 ans, sans profession, de Guingamp. — « Le concierge, dès la première alerte, se rendit dans tous les appartements, défendit à tous les détenus de bouger et d’avoir de la lumière. »
  3. Malgré l’assertion de Geslin de Bourgogne et A. de Barthélemy, il paraît bien difficile d’admettre que Rolland soit resté dans la prison jusqu’au 4 brumaire et « qu’il fut délivré avec les autres ». On le voit partout, en dehors de la maison d’arrêt, au dedans, par les rues, sur le Cours. D’ailleurs, dans sa déclaration, Peyrode le reconnaît comme « un de ses anciens prisonniers ».