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LA NUIT DU 4 BRUMAIRE

voilà sauvé. Les Chouans saisissent la femme qui se débat ; deux balles la manquent ; le petit Vincent, pour mourir avec elle, crie Vive la République et fait feu sur les brigands. Il est happé, se dégage, se jette sur sa mère, la pousse contre la porte hospitalière qui s’ouvre une seconde fois et les dérobe tous les deux[1].

Il est manifeste que, dans le tohu-bohu de ces scènes brutales mais non sanglantes, les instructions de Mercier La Vendée sont docilement observées. Les Chouans ne se refusent pas le plaisir de faire siffler leurs balles aux oreilles patriotes ; mais, quoiqu’ils soient réputés bons tireurs, peu de leurs coups portent. Le sang coula pourtant : le lieutenant de gendarmerie Chrétien est parvenu à rassembler quelques-uns de ses hommes et tente de reprendre le poste de la Mairie ; il est repoussé par une vive fusillade ; sa petite troupe se disperse, laissant sur la place un mort et deux blessés ; lui-même se sauve à travers les jardins dans une maison de la rue de Gouët ; il y est pris, ramené au Martray, couché en joue… Arrive un jeune homme « bien vêtu », il interpelle les Chouans : — « Est-ce là l’ordre qu’on vous a donné ? Menez cet homme au corps de garde[2]. » C’est au poste de la place de la Liberté, en effet, que sont entassés tous les citoyens ramassés par les rues : on y conduit le commissaire du Directoire près l’administration municipale, Poulain-

  1. Déclaration de Vincent-Augustin Le Provost, président de l’Administration centrale. Le valeureux enfant dont il est ici question devint, sous le règne de Louis-Philippe, député des Côtes-du-Nord. Je crois qu’il fut l’aïeul de M. le sénateur Le Provost de Launay.
  2. Déclaration de Joseph Chrétien, lieutenant de gendarmerie.