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LA NUIT DU 4 BRUMAIRE

sion : encore, s’ils descendirent dans la rue, ignoraient-ils la nature du danger qu’ils allaient affronter. Ainsi le commissaire du Directoire près le tribunal des Côtes-du-Nord, Despoiriers, réveillé par le tumulte vers cinq heures du matin seulement, s’habille, prend un fusil et va, pour s’informer, jusqu’à la place de la Liberté. Il est accueilli par une fusillade, fait aussitôt demi-tour, s’élance, poursuivi par les Chouans, dans la rue Fardel, les dépiste, grâce à l’obscurité, dans les petites rues Milieu et Derrière-Fardel, escalade un mur de jardin et retombe de l’autre côté, si malencontreusement qu’il en reste courbaturé durant plusieurs jours[1].

Jérôme Morin, capitaine de la garde nationale, se dirige aussi vers la place, — c’est « la ratière » où tous les étourdis viennent se faire prendre[2] ; — il a revêtu son uniforme ; il se heurte, dans l’ombre, à un Qui vive ? retentissant ; une décharge à bout portant jette à terre son chapeau en loques ; Morin recule d’un bond, insistant : — « Ne tirez pas ! Je suis le capitaine de la garde nationale ! » Un jeune homme en lévite grise l’ajuste à deux pas ; Morin saisit le fusil par le canon, le détourne et le coup part sans l’atteindre. Alors, effaré de la persistance de ce malentendu, le capitaine fuit à toutes jambes et regagne sa maison sous les balles[3]. Le brigadier de gendarmerie Merlin eut meilleure chance :

  1. Archives nationales, BB18 253.
  2. Habasque, Notions historiques, II, p. 73.
  3. Déclaration de Jerosme Morin. Cette déclaration, comme toutes celles que l’on trouvera citées plus loin, est extraite de l’enquête du juge de paix Cartel et a été reproduite dans l’Invasion de Saint-Brieuc par les Chouans, recueil de documents réunis par M. Tempier, archiviste départemental des Côtes-du-Nord, et publié en 1889 par le Progrès des Côtes-du-Nord.