pavés ; ils passeront les pans de leur chemise par-dessus la culotte afin de se reconnaître dans l’obscurité[1]. Ordre d’éviter, autant que possible, les collisions, et, sous les peines les plus sévères, de n’entrer dans aucune maison[2].
À pas silencieux, les Chouans vont occuper leurs positions d’attaque ; ils encerclent la ville profondément endormie. Sauf Justice et ceux de ses compagnons de geôle qu’il a discrètement avertis, personne dans Saint-Brieuc, — et c’est incroyable, — ne se doute qu’une armée d’un millier d’hommes au moins est prête à se ruer sur la ville. Dans cette population de près de 8.000 habitants, dans cette garnison d’environ 300 hommes, il n’y eut donc, cette nuit-là, ni un promeneur attardé, ni une sentinelle aux écoutes ? — Si, pourtant ; quelqu’un sait le danger, et c’est Giraudeau, le déserteur, l’espion placé naguère dans la prison pour « moutonner » les détenus. Il est toujours incarcéré ; dans la matinée, il a reçu, au parloir du concierge Peyrode, la visite d’une femme Le Valois qui lui sert de commissionnaire : elle lui a fait part du projet des Chouans ; d’abord il fut incrédule ; puis comme la chose le tracasse, il en a parlé à l’un des détenus politiques : celui-ci joua l’ignorance, puis finit par avouer : — depuis trois jours il était avisé que les royalistes entreraient dans la nuit du 26 au 27 à Saint-Brieuc et s’empareraient de la prison. Or, pour Giraudeau, la délivrance par les Chouans, c’est la mort. Il les sait bien renseignés et implacables dans leurs vengeances : il a mouchardé les Le Gris-Duval,