de blé pour les moulins, plus de cuir pour les souliers, plus de bois, plus de savon, plus de vin. Les courriers manquent une fois sur deux ; faute de fourrage le maître de poste n’a plus de chevaux ; les soldats volent dans les boutiques ; les malades périssent à l’hospice où les médicaments font défaut ; les paysans ne se risquent plus à porter leurs denrées à la ville, et les Briochins n’osent pas pousser leurs promenades hors des murs jusqu’au pont de Douvenant qui est à un quart de lieue des barrières[1]. La ruine de la navigation et la cessation des pêcheries ont causé une détresse générale[2] ; les artisans, les ouvriers en toile, ont cessé de travailler faute de débouchés[3]. Presque toutes les communes avoisinant Saint-Brieuc sont « en état d’hostilité avec la République » ; des rares paysans qui lui sont attachés l’effroi est tel « qu’ils s’abstiennent de pleurer le parent et l’ami que les brigands ont enlevé ou tué[4] ». Si la débâcle des services publics est achevée, l’organisation des Chouans est parfaite : ils ont des complices dans toutes les administrations ; les uns secrètement affiliés à leurs bandes, les autres ouvertement dévoués à leurs chefs[5]. Le Directoire du département les connaît ; mais il est sans force pour sévir ; aussi chacun prévoit, attend, en arrive à désirer même l’imminente et inéluctable catastrophe qui mettra fin, d’une façon ou d’une autre, à cet état de torpeur et de dissolution.
- ↑ Habasque, Notions historiques…, II, p. 87.
- ↑ Lorquin, L’État de la France au 18 brumaire, p. LIX.
- ↑ Rapport de Barbé-Marbois sur la situation des départements de l’Ouest. Lorquin, p. 122.
- ↑ L. Dubreuil, Le Département des Côtes-du-Nord, p. 240.
- ↑ L. Dubreuil, Le Département des Côtes-du-Nord, p. 238.