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LA NUIT DU 4 BRUMAIRE

lieutenants principaux, le jovial Saint-Régent et un échappé de Quiberon, Félix Dujardin, simple chef du canton de La Nouée, mais dont le nom grandira. Quand Étienne Le Frotter leur eût fait connaître sa détermination de soustraire sa mère à l’échafaud, tous, — sauf Guezno de Penanster alors emprisonné à Saint-Brieuc, — acceptèrent avec entrain un rôle dans l’expédition. Étienne est, en outre, assuré du concours de Mercier La Vendée qui promet quatre cents de ses Morbihannais. Sa prévoyance et son sang-froid sont réputés : du consentement unanime c’est lui qui prendra la direction de l’opération : il s’agit de réitérer la tentative de Duviquet contre la prison de Saint-Brieuc ; seulement ce n’est plus une patrouille, c’est toute une armée — douze à quinze cents hommes — qu’on mettra en mouvement ; on s’emparera, par surprise, de la ville et, tandis que des forces imposantes tiendront la garnison en respect, on donnera l’assaut à la geôle de Peyrode et on en ouvrira les portes à tous les détenus. Projet téméraire, de prime abord impraticable : mobiliser une troupe si nombreuse, l’amener en armes du fond de la Bretagne, la concentrer aux portes du chef-lieu sans donner l’alarme, sans susciter sur la route l’étonnement ou les soupçons d’une municipalité, sans éveiller l’inquiétude des chefs militaires de la région, cela paraît irréalisable à qui ne sait le dégoût, l’affaissement moral de tous les serviteurs de l’État. La machine administrative, léguée à la France par la Convention, est pourrie après quatre ans d’usage ; elle se disloque ; elle ne fonctionne plus. Les bourgeois de Saint-Brieuc vivent dans une « perpétuelle terreur » ; les marchés chôment ; plus